IV Le fiasco de la politique de recherche industrielle
Par
, le 18 juin 2008"Comparée à la structure des dépenses de recherche dans les autres pays de l’OCDE, ce qui manque à la recherche française, ce sont d’abord des financements privés". N. Sarkozy, Mutualité, octobre 2006
Suite de la série "Le budget de la recherche raconté à Sarkozy.
Résumé
L’effondrement du commerce extérieur français, les difficultés face aux délocalisations ont notamment pour origine un beaucoup trop faible effort d’investissement du secteur privé dans sa propre recherche. Dans le même temps, la France est pourtant l’un des pays où l’Etat finance le plus la recherche privée par les aides directes, la sous-traitance de programme d’Etat et "le Crédit d’impôt recherche [qui] a été porté à un niveau inégalé dans le monde" (N. Sarkozy, 2008). Contrairement aux nombreux rapports qui soulignent que l’aide directe ou fiscale au privé, suffisante voire déjà excessive, doit être redéployée et ciblée vers la création de secteurs de haute technologie ou vers les PME innovantes, le gouvernement a décidé de doubler le Crédit d’impôt et le distribuer d’une manière homothétique, en faisant par là-même bénéficier avant tout les grands groupes et sans conditions. Il sera montré que ce crédit d’impôt ne joue que marginalement un rôle positif pour favoriser l’implantation de firmes étrangères, encore moins pour inciter les entreprises à faire plus de recherche. Entre 2002 et 2006 les aides de l’Etat au privé se sont accues de 1636 millions (€ constant) tandis que, une fois ces aides touchées, les dépenses des entreprises n’ont progressé que de 458 millions.
Introduction
Dans cette série "Le budget de la recherche raconté à Sarkozy", nous avons montré dans les précédents chapitres :
que la France est désormais au quatorzième rang mondial pour son effort de recherche rapporté au PIB : 2,12 % en incluant la recherche militaire ;
que la recherche publique, définie comme les organismes et université, ainsi que des agences qui contribuent à leur financement, ne représente que 0,6 % du PIB et non 1 % comme le clame le gouvernement ;
qu’avec 0,38 % du PIB consacrée à la recherche académique (universités, CNRS et contrats qui les financent), la France se trouve en dix-huitième position mondiale ;
que ces efforts stagnent depuis 2002 (régressent pour la recherche académique) alors que ceux de la plupart des pays demeurent beaucoup plus élevés et/ou s’accroissent fortement.
La recherche industrielle française, étudiée dans ce chapitre IV, a été longtemps impulsée, financée et réalisée en grande partie par l’Etat, les organismes et entreprises publiques notamment. La politique de privatisation ne s’est accompagnée d’aucune stratégie alternative ni du point de vue de la politique
industrielle, ni du point de vue de la recherche.
A l’exception notable de trois pays (Suède, Finlande, Allemagne), c’est l’ensemble de la recherche privée de l’Europe qui subit un déclin face à la croissance foudroyante des pays asiatiques. Le problème n’est pas ici de faire le procès de toute aide de l’Etat au privé ou à la recherche industrielle : il est de savoir dans quelles conditions ces aides sont favorables au développement économique, à l’emploi et aux besoins de la société. Le problème n’est pas non plus de savoir s’il faut, ou pas, des coopérations public-privé mais de savoir dans quelles conditions ces collaborations doivent se faire dans l’égalité des droits et des devoirs, sans conduire à la subordination des laboratoires publics et de leurs missions aux
seuls besoins du secteur privé.