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> Pigeons !
6 janvier 2005, par Daniel Corcos
J’ai envoyé ce texte en octobre et il n’a été mis en ligne que maintenant. Entre temps, son contenu est devenu caduc du fait de la tenue des Etats Généraux.
Comme vous le savez, les scientifiques dans leur quasi-unanimité ont demandé une augmentation très importante de la proportion relative des financements non thématisés et il ne s’est élevé aucune voix pour demander un pilotage de la recherche fondamentale. Les conclusions des Etats Généraux ayant été votées par les représentants de l’ensemble de la communauté scientifique française avec l’approbation de ses représentants les plus éminents (les membres de l’Académie des Sciences et un prix Nobel), de ceux des Associations, de l’Industrie, et des différents Partis Politiques toutes tendances confondues, on voit mal comment des scientifiques pourraient légitimement piloter la recherche.
Pourtant, il convient d’être vigilant : le pouvoir politique a la légimité que lui confère son élection et s’il est convaincu que la recherche doit être pilotée, comme il l’a été au cours des dernières décennies, il ne nous reste que la persuasion. Mais notre responsabilité en tant que scientifiques est grande : si des scientifiques veulent et peuvent jouer le jeu du pilotage, c’est avec la bénédiction de notre système d’évaluation. En effet, les échecs de la recherche finalisée se transforment en succès académiques.
Alors qu’aux siècles passés, les charlatans qui prétendaient mettre au point la pierre philosophale ont finit par lasser leur mécènes, les scientifiques qui, au cours des deux dernières décennies, ont proposé des orientations de la recherche propres à répondre aux " attentes sociétales " en ont acquis un statut appréciable, en dépit de l’echec des missions qu’ils s’étaient assignés. Leur situation académique s’est accrue grâce aux publications liées soit directement aux thématiques financées (rapportant éventuellement des résultats négatifs), soit à des activités de recherche fondamentale permises grâce au détournement du financement des thématiques fléchées. Or, il faut garder à l’esprit que le financement global de la recherche biomédicale ne s’est pas accru de manière importante ces dernières années. Il s’agit donc de crédits qui n’ont pas pu être utilisés dans d’autres secteurs, dont les autres chercheurs ont été privés.
Il est donc très important que la communauté scientifique prenne enfin en compte la notion de rendement. Nous sommes parfois étonnés que des collègues nord-américains aux multiples publications perdent la place prépondérante qu’ils occupaient, chose qui serait impensable chez nous. C’est précisément parce que les universités nord-américaines ont des comptes à rendre en terme de rendement que les choses ne restent pas en l’état, et que les scientifiques ne sont pas aussi promptes à la surenchère de l’esbrouffe qui a été pratiquée en France dans le domaine biomédical.
Donc, si vous pensiez que le pilotage de la recherche est seulement le problème des politiques, réfléchissez-y à nouveau.