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réactions à l'article «Pas de vacances pour le CNRS !»

  • Pas de vacances pour le CNRS ! (réaction)

    7 septembre 2011, par Bernard Jacq

    Signataire du texte "pas de vacances pour le CNRS", ancien membre du comité national mais non directeur d’unité, je voudrais faire 2-3 commentaires pour contribuer à la réflexion de ce que je considère comme une menace mortelle pour le CNRS, à savoir le fléchage généralisé.

    Une première remarque est pour déplorer que seulement 250 personnes aient jusqu’ici (le 8 sept) signé cet appel. Evidemment, ce texte est sorti en pleine vacances, ce qui explique en partie un faible nombre de réactions. Mais même s’il y avait urgence à réunir des DU, le problème du fléchage concerne tout d’abord les candidats à des postes CNRS ! Beaucoup de personnes concernées n’ont pas signé ce texte car elles n’étaient pas des DU. c’est un problème car bien évidemment on ne pourra s’opposer au fléchage que s’il y a un large consensus pour le faire. Autrement dit, si à la réunion du 8, il y consensus pour une opposition au fléchage, il faudra d’urgence faire une pétition OUVERTE A TOUS pour demander la non-généralisation du fléchage.

    Deuxième remarque maintenant sur le fond de la discussion.

    Pourquoi s’opposer à la généralisation du fléchage ?
    1) Les dirigeants du CNRS, avec même la meilleure volonté du monde et la meilleure connaissance possible du tissu de recherche sont totalement incapables de faire une liste exhaustive de thématiques sur lesquelles recruter. Une telle liste serait forcément incomplète et on peut se poser la question de la façon dont on sera arrivé à cette liste. Quelles discussions et avec qui ? Et puis le problème de fond est qu’avec cette pratique, on accentue encore l’erreur gouvernementale de croire que les résultats de la recherche sont prévisibles et que l’on sait à l’avance ce qui va payer en termes de résultats scientifiques. Quelle prétention détestable !

    2) Je ne reviens pas longtemps là-dessus mais on sait bien aussi que très souvent la qualité des candidats qui se présentent (et sont recrutés !) sur un poste fléché est en moyenne moindre que sur les postes non-fléchés. Je l’ai vécu personnellement en temps que membre du CoNRS en section 23 pendant 5 ans et beaucoup ont la même expérience. Pourquoi une qualité moindre ?
    2 raisons principales : a) le sujet peut être trop pointu et il peut tout simplement manquer de candidats avec l’expertise souhaitée. b) parfois le projet scientifique et le projet de lieu de vie du (de la) candidat(e) possible peuvent ne pas cadrer.

    3) mais la raison principale de mon opposition est qu’une telle généralisation enlève aux laboratoires la possibilité de mener une politique scientifique si leurs thématiques ne sont pas jugées prioritaires par la direction. Plus exactement, il y aura un glissement du rôle des directions des labos qui ne sera plus de préparer de bons candidats au concours, mais de se glisser dans des magouilles douteuses pour que ses propres problématiques soient adoubées par la direction. Pour moi, la généralisation du fléchage fait peser un risque énorme sur beaucoup de labos qui, de fait, se trouveront interdits de recrutement pour non-compatibilité avec les thématiques fléchées et seraient donc condamnés à terme.

    Pour conclure, je reprends le point important soulevé par Didier Chatenay et discuté par Yves Dessaux.

    Finalement, qui est légitime pour mener une politique scientifique ?
    Bien sûr, le CNRS (et sa direction) l’est. Est-ce le seul ? Non évidemment : pour moi l’organisme de base où se mène la recherche est le laboratoire et ses cellules (les équipes). Un labo doit pouvoir présenter des candidats, c’est la condition même de son existence. Il doit pouvoir le faire quelque soit la thématique car en fait ce qui est essentiel c’est le couple candidat-thématique : Une bonne thématique sans candidat valable ou un bon cndidat que ne trouverait pas de thématique, ca ne peut pas marcher et c’est le problème du fléchage généralisé.
    Et peut-être aussi que des partenaires intermédiaires comme une université où les régions devraient avoir aussi voix au chapitre. Les fléchages les concernent également.

    Comme le dit Yves, tout est dans l’équilibre. Pour ma part et sur une base de 4-500 recrutements annuels de chercheurs, il me semble qu’en moyenne la direction devrait se contenter de 40-80 fléchages, soit au grand maximum 2 postes par commission. Tout le reste des recrutements ne doit subir aucune autre contrainte que la qualité scientifique.

    En conclusion, non au fléchage généralisé et l’urgence est de convaincre les personnels et pas seulement les DU de ce danger.

  • L’université française et la recherche : la grande illusion

    2 septembre 2011, par Alain Pavé

    Avertissement : Ce texte a été rédigé plutôt pour une publication dans la presse, mais il m’a semblé opportun de le transmettre à l’occasion de cette excellente initiative de SLR.

    Depuis 2006, le pouvoir empile les réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche : de la Loi de Programme pour la Recherche (2006) à celle relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (2007), avec la création d’agences nationales pour le soutien de projets à court terme et pour l’évaluation des laboratoires. On prône l’excellence (qui serait contre ?), ou du moins la vision que s’en font certains, des projets ont été évaluées par des comités spécifiques (des instances de plus) et les lauréats sont financés par le « Grand Emprunt. Si l’on examine les résultats, on aboutit plus à des dinosaures qu’à des groupes d’avenir, à une uniformité sclérosante plutôt qu’à une diversité mieux adaptée à l’évolution de la recherche scientifique. Où sont donc les libertés et les responsabilités ? Quid des travaux de l’agence d’évaluation, des Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, issus de la loi de 2006, dont beaucoup sont encore en constitution ? Quid du travail des chercheurs et enseignants-chercheurs qui passent plus de temps à écrire des projets et des rapports qu’au travail pour lequel ils sont recrutés et (mal) payés ? Quid de la bonne utilisation des moyens et de la valorisation des compétences des personnes et des institutions ? Quid du long terme nécessaire à la recherche, et pour passer le temps nécessaire à une réflexion scientifique plutôt qu’à empiler des résultats ponctuels ?

    Les positions idéologiques et la négation des héritages caractérisent ces réformes. Aucune analyse sérieuse de semble avoir été faite. Ainsi, fait-on la promotion du tout universitaire à partir d’une vision idéalisée du modèle anglo-saxon très éloignée d’une réalité plurielle. On reprend le pouvoir au niveau national face à des régions gouvernées par l’opposition qui auraient pu mieux investir dans les PRES. Les organismes de recherche sont affaiblis, notamment le CNRS. Enfant du Front Populaire et outil majeur de la politique ambitieuse de l’ère gaulliste, il ne cesse de recevoir des coups de boutoirs d’une faction revancharde. Les résultats, même les plus brillants, sont ignorés. Par exemple, le CNRS apparaît régulièrement dans le peloton de tête des classements internationaux, son audience est mondiale ; il jouit aussi d’une excellente image nationale : 90% d’indice de confiance (sondage SOFRES/SciencesPo, 2010). Si l’on s’émeut du classement de Shanghai pour les universités, en revanche on ignore les succès du CNRS, de l’INRA, de l’INSERM, du CEA et d’autres bien classés aussi. Sans ces organismes, pas d’excellence pour la recherche, ni pour l’enseignement supérieur.

    De son côté, l’université française est ancienne (XIIIème et XIVème siècles) et n’a pas la culture de la recherche. Longtemps, elle se charge de la formation de médecins, de théologiens, de juristes, d’artistes et de techniciens. Lieu de la « réaction », les révolutionnaires s’en méfient et créent des grandes écoles (les arts et métiers, l’école polytechnique et l’école normale supérieure). En 1808, Napoléon refonde l’Université de France pour former les professeurs des lycées. Jamais l’Université n’est mandatée pour faire progresser les connaissances, sinon plus par principe que par conviction. Elle fait même preuve d’un grand conservatisme dans certains domaines. Par exemple, la génétique ne se développe qu’à partir de 1946, et cela grâce au CNRS renaissant. Quant à la biologie moléculaire elle a vu le jour à l’Institut Pasteur et au CNRS. Enfin, depuis les années 1970, les universités sont chargées, au sens le plus noble du terme, de la formation de masse et de celle des enseignants et des enseignants-chercheurs. Elle a répondu courageusement, mais aux dépends d’une dégradation de la fonction universitaire. Les enseignants - chercheurs sont coincés entre deux logiques qui leur paraissent contradictoires, alors qu’elles sont complémentaires : celle de l’enseignement au plus grand nombre et le devoir d’excellence pour la recherche. Quant aux cadres techniques de la nation, ils sortent des grandes écoles. Selon Alain Touraine : « L’Université a longtemps constitué l’exemple presque parfait d’une “institution“ au sens traditionnel de ce terme […]. Elle était alors davantage un lieu d’élaboration d’un code culturel qu’un instrument de production de connaissances nouvelles. » (Encyclopædia Universalis, 2004).

    Pratiquement, l’essentiel de la recherche se fait déjà dans les universités, mais grâce aux liens avec les organismes de recherche. En effet, celles-ci sont mal préparées à la réflexion stratégique ou à la compétition et à la collaboration internationales. Avec des structures multidisciplinaires, elles ne sont guère rôdées à la pratique de l’interdisciplinarité, plus développée dans les organismes, notamment au CNRS, qui, là encore, a une expérience unique au monde, actuellement fort négligée.

    En conclusion, le pouvoir agit d’abord par idéologie, en ignorance des mécanismes et de l’histoire de la recherche. Bien sûr le système doit évoluer, mais à un rythme raisonnable et bien plus sous sa propre dynamique que sous les coups de boutoirs d’un État pressé et interventionniste. L’interpénétration et la synergie entre organismes et universités, déjà bien engagées avant les initiatives actuelles, doit se renforcer, mais donnons nous du temps et procédons à une véritable analyse de la situation ainsi qu’une prospective sérieuse avant de décider et plutôt accompagner et infléchir les évolutions que réformer brutalement , sinon nous courrons à la catastrophe. C’est ce qui n’a pas été fait et c’est ce que nous risquons.

    Version longue et plus argumentée sur : http://web.me.com/alain.pave/Site/

  • Pas de vacances pour le CNRS !

    31 août 2011, par benoit

    Bonjour

    La direction du CNRS suit l’évolution du paysage national de la recherche imposé à marche forcée par le Grand Emprunt, paysage qui a commencé à être restructuré par la création de l’ANR, de l’AERES puis par la mise en place de la LRU en 2007. Même si cette stratégie du roseau est inquiétante, le CNRS existe encore aujourd’hui malgré le détricotage imposé par les gouvernements de droite successifs au pouvoir jusqu’en 2012 !

    Or 2012 peut marquer une décélération des processus mis en œuvre. Une autre politique pourrait même être imaginée, politique qui tiendrait compte enfin des revendications portées par les syndicats et SLR. Aujourd’hui les réactions de l’actuelle opposition sont timorées. Pire les grands élus régionaux (roses disons le) ont décelé dans le Grand Emprunt, dont la résultante est la politique d’affichage du CNRS que nous dénonçons aujourd’hui, un effet de levier pour leurs politiques de recherche sur leurs territoires. Les relations état (UMP)-régions (PS, EELV, PC) sont complexes mais au final au nom d’une certaine continuité républicaine opposition et majorité se suivent pour construire ce nouveau paysage de l’ESR...Si la communauté scientifique ne parvient pas à s’inviter en criant son ras le bol dans les débats présidentiels futurs, nous assisterons alors à la brisure du roseau...les organismes nationaux pouvant être remplacés par des structures régionales ad hoc apportant par exemple des moyens humains aux Idex et Labex.

  • Affichage généralisé des thèmes et laboratoires prioritaires pour le recrutement des chercheurs : DANGER !

    30 août 2011, par Bureau CPCN

    Une analyse proposée par le bureau de la CPCN

    La direction du CNRS prétend qu’un affichage « large » de thématiques prioritaires avec localisation dans des laboratoires existants permettrait de « traduire » la stratégie scientifique et la politique de site de l’organisme et de ses instituts sans mettre en péril la qualité du recrutement. Au début de l’été 2011, les directeurs d’institut (depuis 2009 le CNRS est structuré en dix instituts auxquels environ un millier d’unités de recherche sont rattachées) ont demandé par lettre aux directeurs de laboratoire (DU) de leur communiquer leurs priorités de recrutement pour les trois années à venir. Ils ont annoncé qu’ils consulteraient les Conseils Scientifiques d’Institut avant d’établir dès septembre 2011 une liste des priorités de recrutement de l’organisme et de ses instituts.

    Pour diverses raisons détaillées ci-dessous, la CPCN, au nom des 40 sections disciplinaires et des 5 commissions interdisciplinaires qui constituent chaque année les jurys d’admissibilité des concours de recrutement des chargés et des directeurs de recherche du CNRS, considère que cette démarche d’affichage généralisé met en danger la qualité, la diversité et le caractère national du recrutement. Lire la suite

  • Pas de vacances pour le CNRS !

    11 août 2011, par Andrei Gorea

    Pour le débat qui aura lieu sur la question en septembre, il serait peut-être utile de se référer au texte suivant qui vient d’être publié en Nature (Peter Rowlett. The unplanned impact of mathematics, Nature 475, 166–169 (14 July 2011) :

    "There has been pressure in recent years for researchers to predict the impact of their work before it is undertaken. Alan Thorpe, then chair of Research Councils UK, was quoted by Times Higher Education (22 October 2009) as saying : “We have to demonstrate to the taxpayer that this is an investment, and we do want researchers to think about what the impact of their work will be.” The US National Science Foundation is similarly focused on broader impacts of research proposals (see Nature 465, 416–418 ; 2010). However, predicting impact is extremely problematic. The latest International Review of Mathematical Sciences (Engineering and Physical Sciences Research Council ; 2010), an independent assessment of the quality and impact of UK research, warned that even the most theoretical mathematical ’deas “can be useful or enlightening in unexpected ways, sometimes several decades after their appearance’.

    There is no way to guarantee in advance what pure mathematics will later find application. We can only let the process of curiosity and abstraction take place, let mathematicians obsessively take results to their logical extremes, leaving relevance far behind, and wait to see which topics turn out to be extremely useful. If not, when the challenges of the future arrive, we won’t have the right piece of seemingly pointless mathematics to hand."

    Andrei Gorea
    DR, Directeur associé de l’UMR 8158 (Laboratoire Psychologie de la Perception)

  • Pas de vacances pour le CNRS !

    8 août 2011, par Descimon

    Chers amis,

    Je suis de tout coeur avec les multiples actions menées cet été. Je reste d’ailleurs à votre disposition, si jamais vous aviez besoin de mes compétences.

    Bon courage et amitiés
    R. Descimon

  • Pas de vacances pour le CNRS !

    7 août 2011, par Henni

    Bonjour,

    Deux affirmations dans votre texte ont retenu mon attention. La première :

    "Jusqu’à présent, un système avait fait ses preuves : les candidats se présentaient sur des thématiques larges et les commissions choisissaient les meilleurs d’entre eux."

    Exemple type de la phrase creuse car "les meilleurs d’entre" les candidats ne veut pas dire grand chose : que signifie "meilleurs" ? Plus de publications, plus de soutiens, plus de quoi ? Quand le nombre de postes mis au concours est ridiculement petit, comment font les membres des commissions de recrutement pour choisir un excellent candidat plutôt qu’un autre sans entrer dans le domaine du subjectif, des politiques d’influence etc... ? Le système dont vous parlez n’a pas plus fait ses preuves que celui du concours local pour les enseignants-hercheurs, car chacun sait que les anciennes commissions de spécialistes et les récents comités de sélection ont aussi à coeur de recruter les "meilleurs" enseignants-chercheurs.

    Au fait, pour les concours niveau CR2 sur lequel de nombreux candidats se rabattent faute d’un nombre suffisant de postes au niveau CR1, les commissions de recrutement ne violent-elles pas régulièrement les ordonnances du 2 août 2005 concernant les questions d’âge dans la fonction publique, en écartant les dossiers des candidats "âgés", e.g., plus de 35 ans ? Voilà une autre tare du système qui a fait ses preuves. Un Candidat avec 8 ans de postdoc est-il jugé moins "meilleur" qu’un plus jeune avec 2 ans de postdoc ? J’ai entendu de la bouche d’un DR1 au CNRS, aujourd’hui DAS, que les candidats n’ayant pas réussi à se faire recruter après plusieurs tentatives sont généralement perçus comme des candidats ayant un problème donc impossibles à recruter ; ce type de raisonnement est d’une stupidité insondable mais d’après le DAS c’est le raisonnement que tiennent beaucoup quand vient le moment difficile du choix des "meilleurs".

    Deuxième phrase :

    "De fait, cela remplacerait les concours nationaux par un ensemble de concours locaux, annonçant, au-delà des recrutements de jeunes chercheurs, des transformations radicales de l’emploi scientifique."

    Des chargés de recherche et des directeurs de recherche au CNRS participent de façon importante aux commissions de recrutement à l’université depuis un grand nombre d’années. Comme je le disais plus haut, commissions et comités ont à coeur de recruter aussi les "meilleurs" sur des profils établis, mais peut-être me trompé-je ? Les chercheurs du CNRS ont donc déjà acquis cette culture du type de recrutement que vous dénoncez, et ils l’acceptent sans réserve puisqu’ils y participent, non ?

    Ou est-ce à dire que l’on peut recruter des enseignants-chercheurs moins "meilleurs" à l’université, et c’est acceptable ; alors qu’au CNRS on n’accepte que la crème de la crème, les "meilleurs" grâce à un système qui a fait ses preuves ? Se croit-on meilleur chercheur au CNRS qu’à l’université ?

    Je n’ai toujours pas compris ce que l’on appelle les "meilleurs", pourtant je ne suis pas complètement stupide. Vos éclaircissements seront sincèrement les bienvenus. A la lecture de votre pétition, je réalise que je n’ai pas tout compris d’un système qui a fait ses preuves.

    Cordialement,

    Henni

    • Réponse à Henni

      30 août 2011, par Alain Trautmann

      Cher(e) collègue,

      Je crois que les désaccords que vous manifestez touchent moins au fond qu’à la forme et à d’éventuelles maladresses de formulation.

      Nous savons tous deux que la gestion de la pénurie n’aboutit jamais à une solution satisfaisante. Il est seulement possible de limiter la casse, en ne recrutant pas de mauvais candidats, tout en sachant qu’on passe forcément à côté de très bons, qui vont rester sur le carreau. Le "recrutement des meilleurs", correspond à un effort, à une exigence, pas à un succès idéal qui suivrait une mesure objective.

      Pour les candidats de plus de 35 ans, pour reprendre votre chiffre, les évaluateurs sont obligés de naviguer entre Charybde et Scylla. Un écueil consisterait à ne tenir compte que de la longueur du CV : les plus de 35 ans gagneraient à tous les coups, l’idéal d’un recrutement jeune s’éloignerait. L’autre écueil consiste à faire du jeunisme, à exiger un parcours sans faute, en écartant les candidats atypiques : les plus âgés seraient condamnés. Les commissions de recrutement responsables cherchent à panacher les deux critères, en recrutant les deux types de profil. Une fois de plus, la pénurie ne facilite pas une telle tâche.

      Enfin, l’opposition que vous faites entre recrutements au CNRS et à l’Université est une mauvaise querelle. Les raisons pour lesquelles les universités doivent prendre en compte des critères locaux pour des recrutements répondant aussi à des exigences d’enseignement, ces raisons ne souffrent pas de discussion. Et les comités universitaires de sélection ont parfaitement la possibilité de faire du très bon boulot. Il n’a jamais été question d’opposer un (bon) recrutement national et un (mauvais) recrutement local. Mais simplement de rappeler que le fléchage thématique et géographique par la direction du CNRS ou par le commissariat général à l’investissement (système Labex/Idex) constitue une très mauvaise solution pour définir une politique de recrutement de nouveaux postes de chercheurs au CNRS.

      J’espère que certaines ambiguïtés sont levées par cette réponse.

      Bien cordialement

      Alain Trautmann

      PS : globalement, le Comité National et les comités de sélection ont la possibilité de faire du bon travail pour les recrutements dont ils sont responsables, et ils le font le plus souvent. Ce qui n’empêche pas qu’aucun système n’est parfait et qu’existent des pratiques parfois douteuses, de copinage ou de localisme. Ces pratiques doivent être dénoncées, mais elles ne constituent pas pour autant une condamnation du principe de ces systèmes de recrutement.

  • Pas de vacances pour le CNRS !

    5 août 2011, par therese

    « Si les directeurs d’unité acceptent de jouer le jeu du "chacun pour soi" (fondé sur la certitude d’être le meilleur et de pouvoir s’en sortir) et ne réagissent pas très vite, on peut redouter que des affectations ciblées de moyens ne suivent et qu’une majorité d’unités se voient alors totalement étranglées, puis rapidement condamnées. »

    Bien qu’entièrement d’accord avec le contenu du texte et surtout avec la phrase ci dessus, je m’interroge cependant sur la capacité des chercheurs à réagir collectivement à ce jour. Si nous observons ce qui s’est passé depuis quelques années, on ne peut que très difficilement être optimiste sur un éventuel mouvement collectif qui permettrait aujourd’hui de sortir la recherche et l’enseignement supérieur du marasme dans lequel ils sont en train de sombrer.
    Lors des mouvements de contestations qui ont accompagné les états généraux de la recherche et la mise en place de l’ANR, j’ai vu les directeurs des plus grands instituts couchés sur les trottoirs des villes en guise de protestation, mais moins d’un an après ils ont été les premiers à demander ces fonds et récupèrent aujourd’hui la plus grosse part du gâteau alors que la grande majorité des chercheurs se battent pour les miettes (tiens ! ça ne rappelle pas quelque chose….).
    D’autre part, ce que l’on revendique ici pour le CNRS est déjà mis en place dans les universités où le recrutement des enseignants chercheurs va venir en grande partie en soutien des labex……

    Alors oui pour signer !!! mais en espérant que chacun est conscience que ce qu’il obtient aujourd’hui comme « privilège » est un pas vers la précarisation de son voisin. Non aux SDF de la recherche, s’il n’est déjà pas trop tard !!!

  • Pas de vacances pour le CNRS !

    5 août 2011, par Yves DESSAUX, DR CNRS, ancien chargé de mission INEE - CNRS

    Je partage à la fois les inquiétudes exprimées dans l’article et les réflexions de D. Chatenay.

    En effet, un fléchage total des postes ouverts au recrutement pourrait s’avérer dangereux, particulièrement si celui-ci vise à renforcer les "pôles d’excellence", qui sont a priori déjà plutôt bien dotés. Ce fléchage peut aussi s’avérer contre-productif en matière de diversité thématique, faisant courir en particulier le risque de "passer à côté" d’un(e) excellent(e) chercheur(se), dont les compétences se situerait hors fléchage.

    Ceci posé, on doit s’interroger sur les moyens dont dispose la direction du CNRS et des Instituts pour développer une politique scientifique nationale cohérente. Si l’on peut craindre, pour les raisons exposées plus haut, les conséquences d’un fléchage systématique, il n’en reste pas moins vrai que le découplage total entre les fonctions de recrutement et d’orientation scientifique, tel qu’il existe depuis des années, n’est pas non plus une totale réussite... Sans être polémique, regardons quand même la situation en face. Les coloriages de postes sont souvent peu pris en compte dans le processus de recrutement. Seuls les fléchages thématiques ou géographiques, de par leur caractère obligatoire, permettent d’assurer un début de politique scientifique. Il faut reconnaître d’ailleurs que ces fléchages restent très minoritaires eu égard au nombre de postes ouverts. Il s’agit dès lors d’une question d’équilibre à trouver entre postes non fléchés et fléchés. Il me semble que le fléchage d’environ 1/4 ou des postes ouverts ne serait pas une absurdité.

    Enfin un mot sur le fait que la direction se contente de gérer une pénurie... Elle ne s’en contente pas, mais elle n’a pas le choix ! Si le ministère du budget nous attribue
    la possibilité d’ouvrir 15 postes d’ITA, nous ne pouvons bien entendu pas aller au delà, et nous sommes effectivement dans l’obligation de gérer cette pénurie. Pour ce que j’en ai vu au cours des années passées, cela se fait avec la plus grande honnêteté, mais avec une frustration réelle, voire une colère rentrée face à la situation réservée au secteur public dans ce pays, et surtout vis à vis de l’engagement globalement très élevé de l’ensemble de nos collègues dans leurs tâches quotidiennes.

  • Le CNRS est-il encore un organisme national ?

    3 août 2011, par Didier Chatenay

    Il me semble peu raisonnable de lutter pour que soit maintenue l’existence d’un organisme national tel que le CNRS et dans le même temps lui nier toute prérogative dans la définition d’une stratégie nationale de recherche et dans la recherche des meilleurs opportunités que ce soit en termes de localisation ou de moyens pour mener à bien la politique scientifique qui découle de cette stratégie. De ce point de vue la proposition de flêchage des futurs recrutements peut paraître intéressante et on peut même considérer qu’il y aurait dans ce processus un réel intérêt pour les futurs candidats.
    Par ailleurs il a été souvent reproché au CNRS une tendance fâcheuse à l’éparpillement de ses personnels alors pour une fois que l’organisme cherche à définir une ligne de conduite un peu claire dans ce domaine peut-être faut-il faire preuve d’un peu de prudence dans la contestation de la politique menée.
    On peut contester la manière dont est définie cette stratégie nationale et dont elle sera mise en oeuvre (absence de consultation des conseils, des sections du Comité National, absence des universités dans le processus de définition) mais en tout état de cause cette nouvelle orientation dans le mécanisme de recrutement mérite discussion et réflexion.

    • Le CNRS est-il encore un organisme national ? Réponse à Didier Chatenay

      4 août 2011, par Alain Trautmann

      Je suis d’accord avec Didier sur le fait qu’il est légitime et souhaitable que la direction du CNRS ait une politique scientifique et les moyens de l’appliquer. Cette politique sera efficace et juste si elle s’appuie sur les avis de la comunauté scientifique et de ses organes représentatifs (Comité National, Conseils scientifiques). Ce qui nous inquiète sont les points suivants.

      Le fonctionnement actuel de la direction du CNRS se limite à appliquer les directives gouvernementales (par exemple pour l’application de la RGPP) ou à gérer la pénurie imposée par le gouvernement. Tout cela en omettant complètement de consulter sérieusement les instances de conseil.

      Cette direction non seulement ne consulte pas (car la demande d’informations auprès des DU lancée en toute urgence pendant l’été, avec dépouillement instantané et rendu des conclusions en septembre n’a de consultation que le masque), mais refuse d’annoncer ses projets, sa politique scientifique à elle, malgré les nombreuses demandes de clarification qui lui ont été faites, notamment par le Conseil Scientifique.

      Les outils choisis par la direction pour appliquer une politique concernant les recrutements sont mauvais. C’est une décision légitime et éventuellement efficace de mettre plus de postes dans telle section que dans telle autre, en fonction des grands domaines que la direction déciderait de soutenir. En revanche, de nombreux faits ont démontré que la politique de fléchage thématique et géographique de postes fonctionne très mal la plupart du temps, et doit être limitée à des cas exceptionnels. Or ce dont il s’agit est la généralisation de cette pratique, même si on nous tente de nous rassurer en disant qu’il ne s’agit pas de fléchage mais de coloriage, la limite en tre les deux étant très floue. On voit bien ce qu’il y a derrière : le gouvernement demande au CNRS de mettre ses postes aux endroits et sur les thèmes qui ont été choisis par le processus IDEX.

      On se demande ce qu’il reste comme possibilité pour la direction du CNRS d’avoir une politique, si ce sont les propositions des comités de sélection IDEX, revues et corrigées par les services ministériels, qui finalement décident des laboratoires et des questions scientifiques pour lesquels le CNRS peut recruter de nouveaux chercheurs. Surtout si on ajoute que les moyens financiers affectés aux laboratoires publics chuteront dramatiquement l’an prochain.

      Voilà pourquoi on peut être d’accord sur le principe qu’il est légitime et souhaitable que la direction du CNRS ait une politique scientifique et les moyens de l’appliquer, et très inquiet sur les possibilités réelles d’application de ce principe, actuellement du moins.

  • Une remarque sur le contexte

    3 août 2011, par Didier Chatenay

    Nous n’avons pas su/voulu (chacun choisira) nous opposer à une individualisation croissante de notre fonctionnement via le développement du financement sur projet animé par des individus au détriment du soutien de base accordé aux structures collectives que sont les laboratoires (au passage il y aurait lieu de s’inquiéter d’urgence du taux de réussite qui devient ridiculement bas pour les projets déposés dans cadre du programme blanc de l’ANR). Cette évolution a eu pour conséquence (et on pouvait le prévoir) un développement rapide de l’emploi précaire et on peut prévoir que ce nouveau mode de fonctionnement aura pour conséquence également une diminution notable de l’emploi de titulaires en particulier pour les organismes de recherche. Pénurie ou pas il ne faut surement pas s’attendre à des vagues de recrutement massives que ce soit au CNRS ou dans les autres organismes.
    C’est donc dans ce contexte du développement voulu par certains d’entre nous de "l’entrepreunariat scientifique" avec sa cohorte de petits chefs et de petites mains que nous nous retrouvons une nouvelle fois à mettre en cause les orientations de la direction du CNRS ; à mon sens il y aurait une certaine forme d’incohérence à s’opposer à ces orientations tout en allant à la soupe des opérations Grand Emprunt, en acceptant le type d’organisation de la recherche qui découle de la loi LRU, de la mise en place de l’ANR et de l’AERES ! Il ne faudrait pas l’oublier dans la mesure où les décisions prises par la direction ne font que dans un certain sens prendre acte de l’évolution en cours du mode d’organisation de la recherche en France.