réactions à l'article «Où suis-je ?»
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Où suis-je ?
25 mars 2007, par Dahlia
Je me pose la même question...
Je sais seulement que nous sommes au pays du superficiel, du superfu,de la supercherie ;
au pays de la discrimination,de la colère..
bon courage. -
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> Où suis-je ?
11 septembre 2004, par Pierre-Henri Kalinarczyk (doctorant, université Marc Bloch).
Cher Professeur,
Vous êtes bien en France, et il me semble qu’il vous a échappé le fait que la France dispose du meilleur système de recherche au monde. Nos politiques ont compris, depuis longtemps, que c’est dans la plus absolue nécessité que la créativité intellectuelle s’épanouit. On pourrait, bien évidemment, nous distribuer des milliards : on le fait bien pour le Crédit Lyonnais, France Télécom, Bull ou GIAT Industries. Ce serait trop facile. Ce serait un frein à l’excellence française qui, comme chacun le sait, ne fleurit que dans l’adversité.
Car enfin, de quels moyens disposaient les premiers Encyclopédistes, ou certains de nos plus grands esprits ? Baudelaire se traînait dans Paris avec ses effets personnels dans sa cariole, Rousseau et Rimbaud voyagaient à pied, oui, Monsieur le Professeur, à pied ! Et de quel "laboratoire" disposait le premier homme qui a eu l’idée de conserver le feu, hein, dites moi ?
Grâce à l’ombrageuse bienveillance de nos édiles, aujourd’hui, n’importe quel chercheur français est capable de mener à bien une experience convenable à l’aide de trois bocaux de confiture usagés, d’un peu de scotch, d’un sac en plastique et d’un vieux réchaud à gaz. Une telle adaptibilité demeure un atout majeur dans le paysage scientifique mondial, dont ne peuvent s’enorgueillir aucun de nos partenaires des pays industrialisés.
Oui, vous auriez dû inviter vos collègues japonais, leur proposer un séjour dans un camping non loin de votre laboratoire, où ils auraient fait le ménage pour payer leur séjour. Ca leur aurait évité de s’embourgeoiser, comme ils le font dans leurs installations si risiblement efficaces. Ils se seraient émerveillés de nos locaux décatis, de notre bureaucratie génialement incompétente, de nos jeunes chercheurs volontairement plongés dans les pires difficultés dans le seul but de séparer, par sélection naturelle, le bon grain de l’ivraie. Ils en auraient pris exemple, et seraient rentrés chez eux avec de nouvelles méthodes en tête, après avoir goûté ce parfum de réussite à la Française que le monde entier nous jalouse.
Je regrette qu’un scientifique de haut niveau, comme vous semblez l’être, n’ait pas découvert les véritables raisons de notre politique de recherche. Gardez votre confiance dans le Génie Français, nos gouvernants savent exactement ce qu’ils font.
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usine
5 mai 2004, par gazé
je pense être un de vos compagnons d’infortune. Je ne me sens pas du tout français dès que j’arrive au laboratoire et c’est grave.
comme nous sommes en train de réfléchir à des réorganisations de la recherche j’ai une question générale :
dans la série des propositions actuellement en circulation - plateformes, centres d’excellence, canceropoles et autres "pôles", j’en passe, il y en a une qui semble recevoir le refus le plus unanime : celle de créer une Fondation Nationale de la Recherche, sur le modèle NSF américain dit-on (on est alors forcé de dire, pour parer à des réticences, qu’elle ne fonctionne pas si mal ; et par ailleurs on peut choisir l’équivalent en suisse, allemagne, chine, suède, mais ces gens ne connaissent pas non plus la qualité de vie Française). Notre nouveau Ministre de la Recherche vient même de dire que ce serait une usine à gaz en France (il faut avoir le double cran de dire cela), on se demande quels "conseillers" lui ont glissé cela dans l’oreille, et dans quel but, ou comment il est lui-même parvenu à cette conclusion.
Discutant de cela avec un collègue il me dit que cela rajouterait une "couche" et il y en a déja bien trop. L’idée de justement jeter à la corbeille - cad de ne pas financer - une bonne majorité de la centaine de "couches" et de "lignes budgétaires" qui préside joyeusement et sérieusement à notre activité, et de remplacer cela par une ou quelques Fondations de ce type, fonctionnant sur un mode contractuel sérieux, ne semble pas bonne, c’est une façon immature de voir les choses.
On se demande, si on souhaite continuer à vivre en "couches" parce qu’on aime vraiment cela ou parce qu’on qu’on ne sait faire que cela, et que l’on redoute un changement de la donne ? Prenons un chercheur en provenance de toute une série de pays de la planète, mettons le en France, avec un labo, dans quel état est il statistiquement 5 ans après ? Prenons un chercheur Français, bien mûri, professionnel des commissions, des lignes budgétaires diverses, grand expert de la débrouillardise des "couches", mettons le ailleurs, et alors ? Non, mais, ce n’est pas la question ...
Mis à part cela il semble de plus en plus évident que des syndicats aux Directeurs de petits ou grands machins ou Instituts il semble que presque tout le monde soit opposé à ce genre de mesure pour la recherche. Je crois qu’il faut sonner l’alerte, nous allons faire encore un de ces choix décisifs. Il n’y a que quelques très grands savants qui sont pour cela dit-on, et c’est sûrement le signe que ce serait infaisable en france - ce sont des rêveurs, des albatros, des êtres à part, plus savants que Français peut-être ... On parle de quelques Fondations bien ciblées, et attention les corpos les lobbys et la grande Sagesse qui préside toujours à bien "cibler" la recherche (sans jeu de mot). Et cela va surement diminuer le nombre de "couches" d’ailleurs. Le CNRS mais aussi les autres EPST s’opposent à une FNRS - cela les forcerait à se structurer autour de ce style de financement, et avec les règles associées, diminuerait leur (fameuse) capacité d’incitation à la recherche, leur pouvoir. Quelques Instituts (Pasteur ?) s’y opposent également. Ceux la veulent-ils de l’argent, tout de suite, une sorte de rente, sur site d’excellence reconnue ?
Il y a une autre proposition qui ne risque pas de passer rapidement ,celle d’un corps unique enseignant-chercheur. Les réticences sont multiples, ce ne serait pas dans l’intérêt National (selon quelques chercheurs), c’est infaisable, etcetera.
Et nous ferons un autre bilan dans 10 ans ...
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> Où suis-je ? Des réponses !
2 avril 2004, par Sahaga
Je n’appartiens pas au plus grand organisme de recherche en France. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai pas un rang très élevé, puisque je n’ai que 31 ans et que j’ai obtenu mon doctorat (en biologie) il y a à peine plus de deux ans.
Néanmoins, je me sens capable d’apporter certains éléments de réponse aux questions que vous vous posez bien que, si vous avez effectivement consulté des ouvrages d’économie, je ne doute pas que vous les ayez déjà trouvé par vous même.Où êtes vous ? Vous êtes bien en France. Et la France, c’est effectivement un des pays les plus industrialisé du monde, comme vous l’a si judicieusement glissé un ami proche. Mais la France est également un pays dont le déficit public s’élève à 63,2 milliards d’euros, la dette extérieure à près de 1000 milliards d’euros et dont le taux de croissance en 2003 était de 0,6 %, soit 1% inférieur à la moyenne des autres pays de l’Union Européenne. Ces chiffres peuvent vous paraître sans importance, après tout, qu’importe de creuser un peu plus dans les déficits. Sauf que la France s’est engagée à respecter un certain nombre de critères économiques imposés par le traité de Maastricht et que, pour le moment, elle en est loin. Le traité de Maastricht qui, soit dit en passant, a été ratifié démocratiquement par référendum.
Pour rappel, la France compte également 2,4 millions de chômeurs, soit 9,6 % de la population active. Mais de ce point de vue, je veux vous rassurer : ce ne sont pas tous des chercheurs.Où êtes-vous ? Vous êtes dans la fonction publique. Vous êtes donc salarié de l’état, qui vous garantie un statut privilégié puisque vous ne pouvez être licencié sauf faute réellement très très grave. En contrepartie, le salaire que vous percevez est inférieur à celui auquel vous pourriez prétendre dans le privé.
Compte tenu des chiffres énoncés précédemment, le gouvernement a décidé d’appliquer à la fonction publique une politique budgétaire d’austérité. Ainsi, vous êtes notamment plafonné dans vos frais de déplacements. Mais de ce point de vue, votre statut n’est pas différent, par exemple, de celui d’un salarié du ministère des finances. Et il semble difficile que la grogne des chercheurs conduise à la modification d’une telle politique.
En France donc, les grands organismes de recherche tel que le CNRS sont rattachés à la fonction publique. Cela leur permet d’initier et gérer des projets indépendamment de leur intérêt économique. Il vous appartient de contester ce rattachement, mais je pense qu’il n’est réellement souhaité que par une infime minorité de personnes. En effet, si de nombreux chercheurs mettent en avant les modèles américain ou japonais, aucun ne souhaite sincèrement leur implantation en France. Si, contrairement à leurs homologues français, les chercheurs japonais ne réclament pas en ce moment la création de 550 postes, c’est parce que le poste de chercheur, tel qu’on le conçoit en France, n’existe pas au Japon et que le poste de chercheur, tel qu’on le conçoit au Japon, ne serait jamais accepté en France.Où êtes vous ? Vous êtes dans le milieu de la recherche. C’est un milieu d’excellence. Il est exclusivement composé de personnes brillantes dont dépend l’avenir du pays et, en partie, de la planète. Les chercheurs ne sont pas seulement brillants, ils sont omniscients et ne se trompent jamais. Ainsi, si la recherche en France va mal, ce n’est pas de leur faute, mais de celle du gouvernement qui s’en désintéresse. Ils n’ont, à l’évidence, pas la moindre responsabilité dans le délabrement actuel ni dans la précarisation de l’emploi des jeunes. Dans leur infinie sagesse, ils sont même prêts à organiser des assises nationales afin que "la situation puisse être comprise du monde politique et économique, et de l’opinion". Dès lors, on leur pardonnera volontiers une petite tendance au nombrilisme, doublé d’une légère arrogance, qui les conduit à ne pas regarder autour d’eux. Ainsi, quand certains croient sur parole leurs amis qui leur énoncent que la situation économique de la France est florissante, d’autres s’imaginent sans doute que "Kosovo" est le nom d’une boisson exotique, ou Saddam Hussein celui d’un éminent neurologue marocain. Qui pourrait leur en vouloir ?
Dès lors, on est effectivement en droit de se poser des questions. Que fait le gouvernement, qui cherche à combler les déficits et à résoudre le problème du chômage, plutôt que de financer leur réflexion si précieuse ? Pourquoi ne créée-t-on pas autant de postes de chercheur qu’ils n’usent de jeunes étudiants qui se retrouvent, dès lors, voués à la précarité ou à l’expatriation ? C’est proprement scandaleux !Où êtes-vous, enfin ? Vous êtes au CNRS. Et le CNRS est un organisme principalement géré par un syndicat, qui refuse tout audit extérieur. Il est donc vraisemblable que si vous travaillez dans des conditions si précaires, c’est aussi parce que les (maigres) crédits sont mal répartis et mal employés.
Voilà Monsieur, j’espère que ces éléments de réponse vous auront quelque peu éclairé. A l’instar de M. Pélaprat, je pense que de tels échanges valent le coup. Et j’attends également la suite : où cours-je ? Pour ma part, je cours très loin d’ici.
Cordialement,
S. La Barra
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Nous payons l’absence de règles
31 mars 2004, par Ex-Excellent
La recherche était un métier à part, une vocation, du moins il y a 20 ou 30 ans ou même 10 ans allez...
Puisqu’on travaillait tellement et que le salaire n’était pas en rapport avec le bac + 10 +/_N, et que les heures supplémentaires n’étaient pas payées, on s’est permis de menus écarts de conduite (comme ramener de la papeterie à la maison, ou accepter des remboursements de frais supérieurs aux frais réels). Dans notre esprit cela compensait... et sans doute cela compensait à peine (l’hébergement des collègues, les menus achats dont on n’a pas demandé le remboursement parce que la procédure était trop compliquée...).Malheureusement certains en ont abusé et maintenant nous subissons l’administration tatillonne. Et nous accumulons les mécontentements au point d’exploser aujourd’hui.
Cependant je ne crois pas que ce soit le signe d’un pays civilisé le coulage de papeterie, les réceptions aux frais des contribuables, ce me semble être au contraire le signe du sous-développement.Battons-nous pour ce à quoi nous avons droit, mais ne retournons pas au laxisme. Battons-nous pour pouvoir prendre un sandwich dans le TGV parce qu’il n’est pas plus cher et bien meilleur qu’à la gare, battons nous pour nous faire rembourser un taxi si nécessaire, trouvons un moyen d’affronter l’administration si cela est juste. Battons-nous pour être justement remboursé de nos frais, battons-nous pour les conditions de travail décentes auxquelles nous avons droit.
Mais cessons de croire que notre vocation nous donne des passe-droit. Pour qui nous prenons nous parce que nous avons bac+10+/_N ? Savez-vous que les concours de techniciens sont maintenant délocalisés mais que l’administration ne leur paie pas d’hotel ? Et encore moins l’avion. La phlébite menace le technicien qui veut une promotion s’il doit traverser deux fois la France en train en une journée. Qu’est-ce qui justifie qu’un technicien soit moins remboursé qu’un chercheur pour un même déplacement ? A côté des injustices que nous subissons, il existe encore de nombreuses autres injustices à dénoncer !
Oublions nos rancoeurs et les comptes négatif du passé et revoyons nos revendications du point de vue de la morale. Et si nous sommes persuadés d’avoir raison, battons-nous dès maintenant pour faire valoir nos droits. Faisons en sorte aussi que les règles écrites soient justes pour tout le monde.
Pour terminer cette diatribe qui manque malheureusement d’humour, je voudrais lancer un débat : le chercheur a-t-il le droit de voyager en première classe ? Et le technicien ? A partir de quel grade a-t-on le droit de voyager en première classe ?
Voici ma réponse personnelle : si les chercheurs étaient bien dans leur peau, ils s’en moqueraient. Ils fuiraient les premières classes bondées de voyageurs de commerce et d’industriels, le bruit assourdissant des téléphones portables qui ne permet pas de travailler correctement. Au lieu de s’accrocher à cette prérogative, ils demanderaient (je suis utopiste) la suppression pure et simple de la première classe.
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> Nous payons l’absence de règles
1er août 2005, par little technicien
En parlant de technicien, j’en suis un, je prends des cours le soir, j’ai actuellement Bac +4 (bientôt un bac +5, ingénieur du cnam), je passe des concours, toujours sur des listes complémentaires (pour l’instant), je me pose des questions, pourquoi faire un boulot d’IE tout en étant payé comme un Tech, dois je rester, dois je partir dans le privée, dois je garder ma motivation ou baisser le pied.
La normalité étant que des ingénieurs doivent faire des boulots d’ingénieur, si certains font des boulots de technicien, c’est pas normal mais le contraire encore moins. Malheureusement les choses ne changent pas, on recrute des gens de plus en plus diplômés, cela va entrainer des problèmes hiérarchiques, des problèmes de motivation si on ne fait rien.
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> Où suis-je ?
31 mars 2004, par Didier Pélaprat
Un pur plaisir....
Décidément, ça valait le coup, juste pour des textes comme çà.
J’attends avec impatience la suite : "où cours-je ?", du même auteur ! Car le pire n’est, à mon sens, pas derrière nous.
Même si, comme je le crains, on n’obtient comme résultat que le démantèlement complet de tout ce qui a été construit patiemment depuis la Libération, comme structures relativement démocratiques du système de recherche (avec notre aide empressée bien sûr), on aura au moins eu ce site, et ces rencontres.
Et si le but de la recherche, tout simplement, c’était d’apprendre à penser notre monde ? Ou à penser, tout court ?
Amitiés
Didier Pélaprat